Auckland

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jeudi 18 juin 2015

Mais qui va s'occuper des enfants?

Je suis une femme moderne qui se qualifie volontiers de "féministe" dès qu'une inégalité ou une pointe de sexisme apparait à l'horizon. A la fin de mon premier congé maternité, je suis remontée sur mon vélo et ai repris avec plaisir le chemin du travail (au passage, un très joli chemin de terre le long de l'Erdre).
Je ne me suis pas posé de question. Je voulais et devais travailler. Très peu de femmes autour de moi avaient pris un congé parental, et de plus j'appréciais énormément ma carrière qui m'offrait de nouvelles opportunités à chaque rentrée. Traduisez-cela par: TZR (professeur titulaire remplaçante) dans l'Education Nationale, qui a toujours eu la chance de faire des remplacements qui lui plaisent.

I avait 4 mois quand elle est allée à la crèche quatre jours par semaine (j'avais mon mercredi). Les premiers jours ont été difficiles, plus pour moi que pour elle sans doute, mais je bénéficiais d'un énorme avantage: comme je commençais le travail tôt, c'est le papa de I qui l'emmenait à la crèche et m'évitait ainsi la difficulté de la séparation. Et j'avais la joie d'aller la chercher en fin d'après-midi. Les responsabilités semblaient ainsi partagées équitablement entre papa et maman.

Le mercredi soir j'étais souvent épuisée et heureuse de retourner au travail le lendemain. Il m'était essentiel de voir du monde, de préparer des cours et de faire travailler mon cerveau.

2 ans et demi plus tard, la fin de mon second congé maternité coincide avec notre arrivée à Auckland. Mon conjoint a un travail qu'il commence deux jours après avoir posé le pied sur le sol néo-zélandais, et je me retrouve dans un appart-hôtel avec deux jeunes enfants. Les journées me semblent longues. Mon envie de découvrir la ville se heurte aux pleurs et besoins de mes enfants. Entre les tétées, les siestes, les sorties avec une en écharpe et la deuxième qui se débat et hurle dans la poussette ou que je peine à rattrapper lorsqu'elle se met à courir dans la rue, je perds souvent mon calme. Le décalage horaire perturbe leur sommeil et elles ne dorment plus la nuit. La transition entre deux maisons, deux pays, deux langues, est dure pour l'ainée qui crie beaucoup.

Je me mets en quête d'une crèche dès que nous avons trouvé une maison de location. Après quelques mails j'en trouve une qui a de la place pour mes deux filles. Lorsque je visite, je suis conquise par l'ambiance relax: les enfants marchent pieds nus, font les activités qui leur plaisent, se déguisent, jouent dehors ou dedans à leur guise. Et il y a un jardin avec un petit trampoline! C'est une petite structure (25 enfants maximum) avec une salle dédiée aux moins de 2 ans mais qui permet aux frères et soeurs de se voir et jouer ensemble pendant la journée. Personne ne parle français mais on m'assure que I parlera anglais dans quelques mois.  On décide de commencer par trois jours par semaine, et quand je trouverai un travail on pourra mettre les filles 4 ou 5 jours. La journée se termine à 17h30 et c'est le plus long que j'ai trouvé (en France notre crèche fermait à 19h).

Le seul point négatif est le prix: 55 dollars NZ par jour pour I, 72 pour A.
Mais bon, I a besoin d'apprendre l'anglais et d'être avec d'autres enfants. Et puis je vais bientôt travailler.

Je commence en effet, deux mois après notre arrivée, à donner des cours de français. Mais je ne trouve que quelques heures, et ce que je gagne ne paye même pas la crèche. De plus, je travaille souvent le soir, et me retrouve un peu seule en journée. Ayant besoin d'utiliser mon temps de façon productive, je m'occupe des tâches ménagères, des courses, ne profitant pas vraiment de ma liberté retrouvée. Je me sens un peu coupable de mettre mes filles à la crèche alors que je ne travaille pas beaucoup.

Les deux journées où je m'occupe d'elles, je découvre tout l'arsenal dont disposent les mamans kiwis: entre les groupes de jeux, les activités gratuites, les rencontres au parc, les cours de danse/ dessin/ musique/ rugby, les communautés regorgent d'activités permettant aux mamans (ce sont souvent les mamans) d'occuper leurs enfants et de rencontrer du monde. Car l'école ici ne commence qu'à l'âge de 5 ans (le jour des 5 ans, même!), et il faut donc bien s'occuper et socialiser les enfants avant.

Je rencontre des mamans et me fais des amies, ce qui rend la vie beaucoup plus agréable. On se retrouve au parc, aux groupes de jeux, à la musique, et on s'invite même les unes chez les autres après quelques semaines.

De trois jours de crèche, je passe à deux jours. Une amie espagnole me dit qu'elle aussi a commencé par trois jours en pensant augmenter lorsqu'elle trouverait un travail, et puis a au contraire réduit les jours de crèche en constatant que ce qu'elle gagnerait en couvrirait seulement les frais.

J'ai calculé qu'enseigner à plein temps ne me rapporterait qu'un salaire assez maigre, une fois les frais de garde déduits. C'est donc avec plaisir que j'ouvre les bras à ce que j'aurais autrefois qualifié de "retour en arrière" et d'"antiféminisme". Jamais je n'aurais pensé qu'un jour je cesserais (presque, je donne entre 5 et 8 h de cours par semaine) de travailler pour m'occuper de mes enfants.

Je suis dans un autre pays, j'embrasse une autre culture. Temporairement. Je suis en ce moment plus proche du statut de "mère au foyer" que je ne l'ai jamais été. Et je me dis que  j'ai de la chance de pouvoir passer du temps avec mes enfants, même si les journées avec deux petites de 10 mois et 3 ans ne sont pas toujours faciles. Mais j'apprends à apprécier ces moments. A oublier toutes les idées préconçues que j'avais sur le sujet et à profiter du temps présent.

Sur les deux jours où elles vont à la crèche, je travaille quelques heures mais surtout j'ai un peu de temps pour participer à un atelier d'écriture et écrire, une activité qui m'a toujours intéressée mais que j'ai délaissée faute de temps. Je peux aussi peindre, me promener, visiter, lire...

Et c'est peut-être pour cela finalement que je suis zen: j'ai trouvé un certain équilibre de vie.







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